FACE A UNE PERSONNE ALCOOLISÉE,
QUE FAIRE ?
Face à un sujet totalement alcoolisé, cela ne sert à rien de parler, il n’est
pas en état d’écouter ; il faut tenter de le calmer d’abord. S’il est en danger,
il faut faire appel à un médecin de service qui pourra le faire hospitaliser en
service d’urgence qui le laissera partir après avoir cuvé sans forcément lui
parler de son problème « alcool » ou demander un placement d’office à la demande
d’un tiers
En général, les placements en milieu psychiatrique ne conviennent pas à
l’alcoolique à moins que la structure possède une unité d’alcoologie distincte..
S’il est violent avec son entourage, le faire constater par un médecin et
déposer une main courante au poste de police.
S’il veut prendre la route, prendre ses clefs si cela est possible et le
raccompagner.
Faire la morale à un alcoolique ne sert qu’à le voir se buter dans une
opposition infantile. Il a un discours borné ou incohérent. Il est dur d’engager
le dialogue avec lui.
Le lendemain au réveil, on lui expliquera dans quel état il était, ce qu’il a
fait, en faisant le lien avec l’alcool. Si tu veux, on, peut parler de ton
problème.
L’objectif est de lui faire toucher son fond, afin que son instinct de
conservation parle enfin.
Peut-être pourra-t-il écouter l’expérience des autres et le bon sens.
Le lendemain on pourra le sensibiliser à son problème avec tout ce qu’il
comporte.
L’alcoolique doit être conduit à se prendre en charge, à ne plus se mentir, à se
faire humble
Le premier but est d’aider l’alcoolique à y voir clair
en lui, ce qui n’est pas facile.
Le second est de lui donner les moyens pratiques mis en
place, de faire le meilleur usage de la liberté retrouvée. Cela suppose la
récupération ou la découverte de son potentiel de jugement ; d’action,
d’adaptation, d’avoir une meilleur connaissance de lui même, l’apprentissage
d’une nouvelle gestion des difficultés existentielles et relationnelles, le
courage de les affronter, sinon de les résoudre.
Faceà un malade alcoolique, nous sommes démunis,
désorientés, car il faut à la fois soigner et aider sur le plan psychologique.
- Quelle image a t’il de son corps ?
- Quel est son rapport à la loi ?
- Comment vit-il le sentiment de honte ?
- Quel a pu être le chemin suivi par cet homme ou cette femme pour en être
arrivé à tomber dans ce piège ?
Autant de questions que nous nous posons Comprendre l’alcoolique, c’est savoir
que lorsqu’il est violent dans l’alcool, il n’est plus lui-même et ne reconnaît
plus la réalité de la personne qu’il a en face de lui.
Sa motivation est variable d’un jour à l’autre. Sa demande est ponctuelle et
rapportée à un objectif : la peur de perdre quelque chose ou quelqu’un, le désir
de le retrouver.
Nous ne sommes pas attaqués ou provoqués en tant que personne réelle, ce n’est
pas à nous que la violence s’est adressée. Nous sommes des images qui réactivent
des peurs, des terreurs, que l’alcool permet d’affronter.
La plupart du temps, même sans agressivité, la relation avec un alcoolique
imprégné est masqué chez lui par un état de méfiance Il est sur le
qui-vive, il se sent persécuté par l’entourage. IL continue à avoir peur mais il
a l’impression de savoir de qui il a peur et de pouvoir l’attaquer. L’alcool
donne l’illusion de pouvoir tout faire au volant d’une voiture par exemple.
Souvent pour les familles, l’alcoolisme étant une maladie ; ils appliquent le
schéma.
maladie = consultation = traitement = guérison. Ce n’est pas si
évident que cela.
Vivre avec un alcoolique est insupportable. Il détruit son entourage par ses
excès, sa violence, ses incapacités y compris financières, il impose un
spectacle insoutenable de sa propre destruction. Le recours à la séparation est
fréquent, il peut être la réaction la plus saine. La famille passe par la
déception, le dégoût, le désespoir, la dépression. La famille vit au
rythme de l’alcoolique, on ne pense plus qu’à lui, on agit en fonction de lui.
On parle souvent de volonté pour l’alcoolique, alors qu’il doit s’agir de
motivation. La volonté est une qualité morale que l’on doit avoir ou
acquérir. Elle correspond à une conception de l’alcoolisme comme un manque de
capacité morale à bien se conduire.
Il n’est pas possible de soigner, d’aider ou de vivre auprès d’un alcoolique,
sans essayer de comprendre le sens de ce comportement qui pourrait être perpétré
d’une façon tout à fait volontaire et délibérée.
L’alcoolique est lui aussi une victime, il est tombé dans un piège dont il
n'arrive plus à sortir sans aide, qu’il est entraîné par un courant plus fort
que lui, il est en train de se noyer dans son alcool et qu’en se débattant, il
risque d’entraîner dans la mort même ceux qui voulaient le sauver. Si non ; il
redevient ce monstre d’égoïsme qui pour satisfaire son seul plaisir, n’hésite
pas à détruire sa famille, son entourage.
« Plus je suis mal, plus j’en ai besoin et plus j’en prends, plus je suis mal ».
Comment pouvoir quand on ne sait pas et vouloir quand on ne peut pas.
L’agressivité assez typique des alcooliques vis à vis des femmes en général
montre que les angoisses indicibles dont ils souffrent et que l‘alcool est venu
soigner sont des angoisses de la petite enfance peut être avant l’argumentation
du langage.
Nous devons l’aider à se reconstruire, à assumer sa maladie et à retrouver une
place familiale et sociale.
Si l’ivrogne veut réintégrer la communauté des humains, il lui suffira
simplement d’arrêter de boire. Le malade alcoolique plonge dans un autre monde
où l’autre, le temps n’existent plus. Seul l’acte de boire rythme et définit un
temps différent du nôtre.
Dans le masque péjoratif d’ivrogne, d’alcoolo, de poivrot, se cache un être dans
un extrême désarroi, dans un état de perplexité anxieuse, de peur.
Quand l’alcoolique dit « je veux que ça s’arrête », il va rester longtemps dans
l’utopie de trouver un moyen pour réguler sa consommation. Au plus profond de
lui-même, il n’envisage pas une séparation complète, ce serait trop dur.
En soins, il va lui être demandé de ne plus consommer du tout ce produit qui lui
permettait de « vivre », de s’insérer à sa manière dans son environnement, sa
famille, équilibre périlleux qui le tenait.
L’alcool garde une image propre, liée à la fête, aux grands évènements, mais
aussi à Dieu, le jus naturel du fruit de la vigne qui est le vin, est dissocié
des autres boissons alcoolisées.
Le brave paysan nous dira : » je ne bois pas d alcool, je ne bois que du vin. »
L’alcool semble avoir les mêmes propriétés que certains médicaments. Il a des
propriétés spécifiques que rien ne peut remplacer, pense l’alcoolique.
L’alcool est un filtre opaque qui nous dispense d’agir. C’est un produit qui
déforme le jugement, qui brouille les pistes.
La première prise de conscience c’est de poser
le verre.
C’est un anxiolytique, il suffit de boire rapidement la quantité nécessaire,
variable selon chacun et en fonction de l’alcoolisation de chacun, pour que
l’anxiété la plus intense s’arrête ou finisse par s’estomper. L’action est peut
être de courte durée, il suffit de reboire et ainsi de suite.
C’est un désinhibiteur qui permet de surmonter la timidité, la peur.
C’est un tonique physique et psychique : prendre un verre pour se remonter ou
pour faire un travail dur.. L’alcool dissout la réalité, il permet de laisser
dehors ce qui n’est plus supportable, ce qui n’est plus vivable. L’alcoolique a
besoin de sa drogue (alcool) pour vivre sa vie ou survie de tous les jours.
L’alcoolisme est une maladie psychique qui consiste à éprouver un besoin
irrépressible de boire de l’alcool.
Nous sommes loin de la notion du plaisir quand on absorbe de l’eau de Cologne,
de la lotion après rasage ou de l’alcool à brûler.
« Je bois pour faire quelque chose que je ne supporte pas en moi »
Chacun a son histoire. Souvent il y a l’évocation de ce manque avec le
sentiment, l’impression, puis la conviction que quelque chose nous a manqué. :
un père manquant ou l’enfant avait l’impression de n’être pas vu par lui. Ne pas
être comme les autres. Certains avaient pensé que c’était de leur faute, que ça
venait d’eux-mêmes, qu’il manquait quelque chose en lui.
Avec l’équipe médicale, il va s’éloigner progressivement de son rôle de victime,
de coupable et devenir responsable et acteur de son abstinence.
L’imprégnation alcoolique a des effets sur les gestes, sur le tonus musculaire,
l’équilibre corporel.. Le malade a un corps qui a manifestement souffert sinon
dans le développement, dans l’articulation, et l’harmonisation de son
fonctionnement. L’aider à s’approprier son corps, à le ressentir, a y trouver du
plaisir peut éloigner la nécessité de boire (bienfaits de la relaxation)
Après les soins, le malade est différent et même très différent. Souvent quand
le malade reboit, en quantité modérée au début, il n’en parle pas ou il nie
avoir rebu. Même en état d’ivresse avancée, il nie l’évidence, disant que s’il
avait bu, il serait le premier à le dire.
L’abstinence doit être totale et définitive.
L’abstinence, c’est se priver, c’est ne pas oublier qu’elle demande un réel
effort. On ne peut pas faire un tel effort toute notre vie, pensons-nous. Après
un certain temps, ça ne demande plus cet effort, mais il faut rester très
vigilant.
L’abstinence n’est pas un but en soi, mais le signe du rétablissement global de
la personne.
On retire des bénéfices de l’abstinence :
Ø
Meilleure santé
Ø Des économies
Ø Une meilleure estime
de soi
Ø Une pensée plus lucide
Ø Une plus grande
performance au travail
Ø Plus de responsabilité
L’alcool c’est comme la bicyclette, si on n’en a pas fait depuis des années, il
suffit de remonter dessus et on se met à pédaler.
Tu es abstinent, si tu reprends un verre, ce sera un enchaînement comme avant et peut être encore plus très rapidement.
Les envies d’alcool sont comme les vagues de l’océan, petites quand elles
commencent puis grossissent, puis se brisent et se dissipent. Les envies sont
parfois dues à des déclencheurs comme l’exposition à l’alcool, la vue de
personnes qui boivent, à des endroits, à des situations associées à
l’alcool, des émotions.
Il arrive que des évènements majeurs et des changements dans la vie soient très
perturbants et entraînent une rechute, ce sont par exemple :
Ø Les séparations sociales; divorce,
décès,
Ø Départ
d’un enfant de la maison
Ø Déménagement
d’un ami proche
Ø Problèmes de santé
Ø Nouvelles responsabilités
Ø Evènements liés au travail
Ø Modifications économiques
Des changements positifs, des évènements importants qui affectent les proches
peuvent être facteurs de rechute
Une rechute est un détour temporaire sur la route de l’abstinence
La rechute est liée à l’oubli ou à la remise en cause
de la loi de l’interdit de boire.. Ayant été alcoolo-dépendant, il
n’est pas possible de gérer sa consommation. Certains, après avoir rebu, sont
paniqués et ont besoin de le dire. D’autres vont le cacher, le nier jusqu’à
l’évidence. Ils vont se trouver dans la clandestinité, s’isoler et à nouveau
retrouver leur solitude Il y a mensonge, mensonge à soi-même. C’est
l’inacceptation de l’échec. Le malade doit prendre conscience qu’il pénètre de
plus en plus loin dans les dédales d’un piège dont il ne pourra plus se dégager,
qui l’entraîne vers une marginalisation progressive de tous les secteurs de sa
vie ; couple, famille, travail. Il souffre s’il continue à boire, il doit
souffrir s’il s’arrête. Il finit par avoir le sentiment qu’il n’y a plus de
solution sans souffrance. C’est souvent sous le joug d’une menace que le malade
alcoolique prend rendez-vous, pour récupérer un permis, une obligation de soins,
menaces de divorce, de licenciement, pas de motivation véritable.
Ce n’est pas ce que l’on boit qui intéresse, ni combien on boit, mais quelles
sont les répercussions que l’alcool pourrait avoir sur l’organisme. Pourquoi
vous buvez ?
La consommation d’alcool se différencie des autres toxicomanies parce qu’elle
n’émerge que par ses excès sur un fond d’habitude sociale alors que la drogue
est considérée comme asociale, résultant d’un commerce illégal.
Chaque rechute peut être pour chacun l’occasion de refaire le point, de poser
des repères plus fiables, démarrer un travail de thérapie.
Dans les groupes de paroles, tous sont aussi alcooliques que l’autre. Plus
d’impression de solitude Le malade alcoolique est soumis à la dépendance
physique et psychique. Il persiste une trace indélébile qui fait qu’on ne peut
plus reboire mais une petite quantité d’alcool sans risque de rechute.
Il faut savoir refuser une invitation à boire, avoir une capacité d’affirmation.
Ne vous sentez pas coupables de ne pas boire d’alcool, vous avez le droit de ne
pas boire et de faire valoir ce droit.
L’énième sevrage a un double but :
- éloigner à nouveau l’alcool et ses conséquences physiques et psychologiques
- tenter de revoir les stratégies soignantes et les modifier
Le malade a envie de ressembler à cet ancien buveur qui lui a apporté son
témoignage.
L’alcoolisation n’a été ni le fruit d’un hasard ou de la recherche d’un plaisir
ou de la satisfaction d’un vice. Elle est peut être nécessaire à une
renaissance.
Ca été un espèce de passage obligé pour sortir
d’un malaise oppressant qu’ils portaient en eux depuis le début de leur vie. Il
leur a fallu parvenir au bout d’une souffrance pour pouvoir accepter l’énorme et
douloureuse frustration de l’abstinence définitive, prix de la liberté.
L’alcoolisme est un signe de faiblesse intérieure aussi inavouable que la
syphilis. Le malade a honte de ne pas pouvoir être abstinent ; La honte se
soigne par le respect, la bienveillance, la compassion.
La prise en charge a pour but de redonner pleinement au malade ses capacités
autonomes de pensées et de décisions ;
Il faut aussi parler de l’ardoise. L’ardoise par référence à celles laissées
dans les bars, est la note qui s’est accumulée au fil du temps et que
l’alcoolique paye une fois devenu abstinent il y a plusieurs ardoises.
L’ardoise financière est
la plus réparable. Cependant la mise sous tutelle, les interdictions bancaires,
les aides financières de survie avec ce qu’elles supposent de démarches plus ou
moins douloureuses pour la fierté ; les dettes à rallonge en raison des agios,
les relations que l’on s’interdit de revoir à cause de l’argent, l’absence
durable de moyens pour se faire plaisir et avoir des initiatives font partie des
restrictions de liberté occasionnées par la période alcool.
L’ardoise professionnelle
est inégale. Parfois la place a été préservée parce que le travail était assuré
comme il pouvait l’être. Les services médicaux, sociaux se sont mobilisés à
temps pour une incitation aux soins. La longue maladie pour dépression va être
transformée en invalidité, les ressources vont alors diminuer. En comparaison,
les suspensions de permis de conduire paraissent bénignes.
L’ardoise physique se
manifeste au détour de l’abstinence. Abstinent, il commençait à vivre autrement
et voila que survient la cirrhose, le cancer. Avec l’alcool, on ne sentait rien,
pas de douleur.
L’ardoise familiale prend des formes variées, divorce
réalisé ou en cours, enfant placé par décision de justice ou partis avant l’âge,
marqué.
L’ardoise psychologique, dans ce domaine la confiance est l’aspect
le plus décisif, le proche a encore des illusions comme l’alcoolique pensant
qu’après 15 jours d’abstinence, il est guéri et que dans 3 mois, il pourra
reboire un petit verre.
L’ardoise du temps enfui et des regrets car avoir un passé
n’est pas forcément la meilleure façon d’avoir un avenir. L’alcoolique découvre
que ses enfants ont grandi, qu’il a manqué leur adolescence, il ne s’est rendu
compte de rien.
Un alcoolique ne se voit pas ou mal, il n’arrive pas à se voir. Devenu
abstinent, on ne supporte plus la vue d’une personne alcoolisée, car cela fait
un effet de miroir qui nous renvoie une image honteuse, une image d’avant et la
honte ressurgit. Il est persuadé de n’être pas allé aussi bas.
Les premiers temps de l’abstinence apportent beaucoup de joie, de sentiment, de
renaissance et de découvertes, mais il faudra affronter, accepter, se battre au
niveau d’où l’on repart, se reconstruire mentalement avec ses moyens psychiques,
intellectuels, affectifs, socialement s’affirmer et persévérer.
Ne nous attendons pas sur le passé à jamais enfui, nous apprenons à trouver des raisons de vivre dans le temps qui reste pour une durée indéterminée.
Les personnes qui boivent de manière excessive ont aussi des amis qui boivent de manière exagérée. Il vaut mieux les éviter. Il sera bon de nouer de nouvelles relations sans l’alcool.
Il faut aussi expliquer aux enfants :
- que l’alcoolisme est une maladie difficile mais qui se soigne
- qu’en dépit de son alcoolisme, le parent aime et continue à aimer
- quand il a bu son comportement, ses paroles traduisent la
présence d’alcool et non pas ce qu’il pense en réalité
S’éloigner de ce parent ne signifie pas le rejeter, mais rejeter
l’alcool qu ‘il a en lui, avec lequel il ne veut plus vivre.
Il n’y a pas de recette miracle pour aborder une personne
alcoolisée, il faut surtout :
- attendre le moment propice, de préférence le matin
- l’écouter,
- examiner la situation avec elle,
- lui fait prendre conscience que c’est une maladie, qu’on
peut s’en sortir, la preuve en est.
- La rencontrer dans un moment où elle est moins alcoolisée
- Lui parler des risques qu’elle encourt
- Lui expliquer que vous ne la jugez pas, mais que vous
pouvez l’aider
La vie est un challenge perpétuel pour se maintenir dans la
réalité.
Georgette